Zoom sur Charlotte Rivière, lauréate de la médaille de Bronze du CNRS 2021

Zoom sur Charlotte Rivière, lauréate de la médaille de Bronze du CNRS 2021

Maitre de conférences dans l’équipe biophysique de l’Institut Lumière Matière (ILM) depuis 2006, Charlotte Rivière cherche à comprendre le rôle du micro-environnement, notamment les propriétés mécaniques, dans la progression tumorale. Je suis impliquée dans des projets collaboratifs combinant biologie cellulaire, biophysique, microfabrication, microscopie et analyse d’images.

Vous avez obtenu la médaille de Bronze du CNRS 2021. Quel projet de recherche vient-il mettre en lumière ? Que signifie ce prix pour vous ?

Je suis bien évidemment très honorée de ce prix. Cette médaille est le fruit d’une recherche pluridisciplinaire à l’interface entre la physique, les microtechnologies et les sciences de la vie. Elle met en lumière les travaux très collaboratifs de toute l’équipe biophysique de l’ILM.

Depuis une dizaine d’année, nous avons développé des microsystèmes permettant de contrôler de manière fiable l’environnement cellulaire. Nous avons notamment mis en évidence le rôle primordial des interactions entre cellules sur le déplacement des cellules individuelles et leur dynamique collective. En utilisant l’amibe Dictyostelium Discoideum comme modèle cellulaire, nous avons démontré que les cellules se déplacent plus rapidement après un contact transitoire avec d’autres cellules : un mécanisme qui a été nommé CEL pour « Contact Enhancement of Locomotion ». C’est la première preuve de l’existence d’un tel mécanisme et les résultats de cette étude ont été publiés dans Nature Physics en 2017 (Alessandro et al., 2017). Nous avons également démontré que ces mêmes cellules sécrètent une molécule de détection de quorum qui ralentit leur migration (Golé et al., 2012), et permet aux cellules de détecter la densité cellulaire (Alessandro et al., 2018). Les résultats vont bien au-delà de la portée du modèle d’amibe utilisé, et pourraient avoir des implications dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques. Elle pourrait également être impliquée dans la dynamique des cellules cancéreuses et leur adaptation à leur environnement.

Plus récemment, j’ai appliqué mon expertise à la recherche sur le cancer, et développé de fortes collaboration avec plusieurs équipes du CRCL. Nous avons notamment développé une approche innovante, publiée récemment dans Lab-on-chip (Prunet et al., 2020), fondé sur un microsystème à base d’agarose pour appliquer une déformation contrôlée sur des cellules cultivées en 2D.

Nous avons également déposé un brevet sur un microsystème à base d’agarose permettant de cultiver les cellules en 3D de manière simple et avec une grande statistique. La preuve de principe de son utilité pour quantifier le transport de nanothérapies a récemment été publié dans Lab-on-chip également (Goodarzi et al., 2021).

Ces deux techniques pourraient être intéressantes pour de nombreuses applications, aussi bien fondamentale en mécanobiologie que plus appliquées, pour le criblage d’agents thérapeutiques et la validation de nouvelles modalités thérapeutiques. Cela pourrait également être utilisée comme une approche complémentaire pour anticiper la réponse aux traitements des patients et évoluer vers une médecine de précision.

Je mets actuellement en place une plateforme de microfabrication au CRCL, pour rendre accessible ce type de techniques aux différentes équipes du centre.

Vous avez contribué au groupe de travail « Mécanobiologie » du CLARA. Quelles sont les expertises qui existent en région ? Quelles sont les perspectives et les besoins de ce champ disciplinaire ?

De nombreuses équipes de recherche travail sur des thématiques en lien avec la mécanobiologie en Rhône-Alpes. Le réseau est très riche non seulement au niveau académique, mais aussi au niveau socio-économique : plusieurs start-ups régionales proposent de nouvelles approchent permettant de prendre en compte et sonder l’influence de la mécanique sur la réponse cellulaire et tissulaire.

Cette thématique, porter principalement par des équipes de biophysiques au départ, s’élargit de plus en plus à des équipes de biologistes, qui prennent conscience que la mécanique doit être pris en compte, au même titre que d’autres signalisations cellulaires. Nous organisons depuis 2016 une journée « mechanobiology and physics of life » dont l’objectif est de fédérer ces différents acteurs régionaux : chaque édition a été un succès et a regroupé plus de 100 participants.

Pour pouvoir avoir les moyens de travailler ensemble au sein de la région et être plus visible, la mécanobiologie en Rhône-alpes a besoin de se structurer par un projet commun d’envergure nationale ou européenne. Le CLARA est un bon interlocuteur pour servir de tremplin pour ce type de projet.